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Bien comprendre la dépendance alimentaire : constats importants tirés de la science


À une époque où les aliments riches en sucre et en gras sont facilement accessibles et abondants, certaines personnes rapportent fréquemment le sentiment de ne pas être en mesure de résister. Ce sont particulièrement les personnes qui éprouvent une relation difficile avec la nourriture et un indice de masse corporelle (IMC) élevé qui expriment ce sentiment. De ce fait, plusieurs chercheuses et chercheurs ont étudié la relation à la nourriture par le biais de la dépendance alimentaire.


Crédit photo: Shutterstock - Aquarius Studio



Qu’est-ce que la dépendance alimentaire ?

La dépendance alimentaire peut être comprise comme une condition caractérisée par une perte de contrôle sur le comportement alimentaire et orientée vers des aliments hautement transformés et concentrés en sucre et en gras (p. ex., chocolat, biscuits, croustilles, frites). La dépendance alimentaire peut être mesurée à partir de questionnaires dont la Yale Food Addiction Scale (1). Ses manifestations sont similaires à celles observées dans les autres dépendances (p. ex., alcool, cigarette) comme : 


  • Des envies irrépressibles « cravings »;

  • Une amélioration de l’humeur ressentie au moment de la consommation;

  • ·Une incapacité à réduire la consommation;

  • Une poursuite de la consommation malgré des conséquences sur la santé;

  • Un temps considérable investi pour la consommation.



La dépendance alimentaire comme marqueur de sévérité Plusieurs études montrent que les personnes qui endossent les critères de la dépendance alimentaire présentent un profil psychologique de vulnérabilité différent de celles qui ne répondent pas à ces critères.

 

Dans une de nos études incluant 969 adolescentes et adolescents, un taux de dépendance alimentaire de 16% a été observé (2). Les adolescentes et adolescents qui endossaient plus de symptômes de dépendance alimentaire rapportaient :


  • ·Plus de symptômes de dépression, d’anxiété et d’impulsivité;

  • ·Plus de difficultés à planifier ou organiser une tâche;

  • ·Plus de difficultés à inhiber certains comportements.


Ces résultats soulignent donc l’importance de dépister la dépendance alimentaire chez les plus jeunes puisqu’elle est liée au fonctionnement cognitif et émotionnel.



Chez les personnes présentant un IMC élevé, le taux de dépendance alimentaire se situerait autour de 25%, ce qui est plus élevé que le taux rencontré chez les personnes avec un poids normal (11%) (3). Cela pourrait en partie expliquer pourquoi certaines des personnes qui présentent un IMC élevé maintiennent une relation dysfonctionnelle avec la nourriture (4).


  • ·Les personnes qui présentent de la dépendance alimentaire et un IMC élevé afficheraient certains traits de la personnalité, comme un plus haut niveau d’impulsivité et un plus faible niveau d’autodétermination (difficulté à suivre des objectifs à long terme), qui les rendraient plus vulnérables à la tentation des aliments hautement transformés (5,6).

  • ·Pour ces personnes, la nourriture hautement transformée aurait un effet réconfortant très fort et serait souvent utilisée en réponse à des émotions désagréables (p. ex., tristesse, ennui, frustration) (7).

  • Ces personnes rapportent plus de traumatismes interpersonnels au cours de l’enfance (p. ex., abus sexuel, intimidation, négligence parentale) (8).


Ainsi, les personnes avec de la dépendance alimentaire et un IMC élevé se présentent généralement avec un profil psychologique de vulnérabilité plus élevé et demanderont une attention clinique particulière.



Également, plusieurs études ont été menées auprès d’échantillons d’individus avec de l’obésité sévère en attente d’une chirurgie bariatrique, soit une chirurgie visant à réduire ou transformer l’estomac et l’intestin dans le but de perdre du poids. Ces études visaient principalement à vérifier si la dépendance alimentaire pouvait permettre de cibler les individus pour qui l’intervention pourrait être moins bénéfique. Bien que les taux de prévalence de la dépendance alimentaire soient importants avant la chirurgie (14 à 58%), ils diminuent nettement après celle-ci, particulièrement à court terme (2 à 14%) (9). Donc, à ce jour, la dépendance alimentaire ne peut être considérée comme un facteur associé à des résultats d’interventions défavorables, mais des données à plus long terme sont nécessaires (9).



[…] les personnes avec de la dépendance alimentaire et un IMC élevé se présentent généralement avec un profil psychologique de vulnérabilité plus élevé et demanderont une attention clinique particulière.


Les implications cliniques

Actuellement, il n’y a aucun traitement adapté pour la dépendance alimentaire. Les personnes qui présentent cette condition vont généralement se tourner vers un traitement pour les troubles alimentaires.

 

Une étude menée auprès de la clientèle du Centre d’Expertise Poids, Image et Alimentation (CEPIA), qui présente des difficultés alimentaires et un IMC élevé, a permis de montrer que ce type de traitement était bénéfique pour les personnes avec de la dépendance alimentaire (10). Les principaux constats et conclusions découlant de cette étude sont les suivants :

 

  • ·En cohérence avec les données qui montrent que la dépendance alimentaire s’accompagne d’un profil psychologique de vulnérabilité plus grand, les personnes avec de la dépendance alimentaire affichaient, avant même le début de l’intervention, des comportements alimentaires dysfonctionnels plus fréquents et un plus haut niveau de dépression par rapport à celles qui n’endossaient pas de dépendance alimentaire.

  • Au terme de l’intervention, malgré une amélioration notable, les personnes avec de la dépendance alimentaire présentaient encore des difficultés alimentaires comparativement à leurs homologues sans dépendance alimentaire.

  • Nos conclusions à court terme sont que les personnes qui affichent de la dépendance alimentaire peuvent suivre un traitement reconnu pour les troubles alimentaires, mais que celles-ci bénéficieront probablement d’un suivi plus long ou plus intensif compte tenu de leurs difficultés plus importantes.



La suite des choses

Une idée importante en lien avec la dépendance alimentaire mérite également d’être présentée. Dans le traitement des troubles alimentaires, la restriction alimentaire est déconseillée parce qu’elle est reconnue pour mener à une augmentation des envies et à une perte de contrôle subséquente. Un peu comme un effet rebond, plus une personne se restreint, plus l’envie deviendra forte et plus la perte de contrôle sera inévitable. Une intervention visant à s’approcher des aliments interdits est à préconiser. Cependant, cette approche va un peu à l’encontre de l’approche d’abstinence généralement priorisée dans le traitement des dépendances. Ceci nous amène donc à s’intéresser plus spécifiquement au traitement de la dépendance alimentaire et à la place de la restriction au sein de cette clientèle (11).



Rédigé par :

Alycia Jobin, étudiante au doctorat de psychologie (D. Psy), Maxime Legendre, Ph.D., Catherine Bégin, Ph.D., École de Psychologie, Université Laval, Québec, Canada.



Références :

1.          Gearhardt, A. N., Corbin, W. R., & Brownell, K. D. (2016). Development of the Yale Food Addiction Scale version 2.0. Psychology of Addictive Behaviors, 30(1), 113-21. https://doi.org/10.1037/adb0000136

2.          Rodrigue, C., Gearhardt, A. N., & Bégin, C. (2019). Food addiction in adolescents: Exploration of psychological symptoms and executive functioning difficulties in a non-clinical sample. Appetite, 141, 104303. https://doi.org/10.1016/j.appet.2019.05.034

3.          Pursey, K. M., Stanwell, P., Gearhardt, A. N., Collins, C. E., & Burrows, T. L. (2014). The prevalence of food addiction as assessed by the Yale Food Addiction Scale: A systematic review. Nutrients, 6(10), 4552-4590. https://doi.org/10.3390/nu6104552

4.          Gearhardt, A. N., & Schulte, E. M. (2021). Is food addictive? A review of the science. Annual Review of Nutrition, 41, 387-410. https://doi.org/10.1146/annurev-nutr-110420-111710

5.          Jiménez-Murcia, S., Agüera, Z., Paslakis, G., Munguia, L., Granero, R., Sánchez-González, J., Sánchez, I., Riesco, N., Gearhardt, A. N., Dieguez, C., Fazia, G., Segura-García, C., Baenas, I., Menchón, J. M., & Fernández-Aranda, F. (2019). Food addiction in eating disorders and obesity: Analysis of clusters and implications for treatment. Nutrients, 11(11). https://doi.org/10.3390/nu11112633

6.          Burrows, T., Hides, L., Brown, R., Dayas, C. V., & Kay-Lambkin, F. (2017). Differences in dietary preferences, personality and mental health in Australian adults with and without food addiction. Nutrients, 9(3), 285. https://doi.org/10.3390/nu9030285

7.          Hoover, L. V., Yu, H. P., Duval, E. R., & Gearhardt, A. N. (2022). Childhood trauma and food addiction: The role of emotion regulation difficulties and gender differences. Appetite, 177, 106137. https://doi.org/10.1016/j.appet.2022.106137

8.          Legendre, M., Sabourin, S., & Bégin, C. (2022). Maladaptive eating behaviors and childhood trauma: A focus on food addiction. Cureus, 14(7), e26966. https://doi.org/10.7759/cureus.26966

9.          Ivezaj, V., Wiedemann, A. A., & Grilo, C. M. (2017). Food addiction and bariatric surgery: A systematic review of the literature. Obesity Reviews, 18(12), 1386-1397. https://doi.org/10.1111/obr.12600

10.       Legendre, M., & Bégin, C. (2023). Group therapy to reduce maladaptive eating behaviors in people with overweight or obesity: Does food addiction impact the treatment response? Eating Behaviors, 49, 101720. https://doi.org/10.1016/j.eatbeh.2023.101720

11.       Adams, R. C., Sedgmond, J., Maizey, L., Chambers, C. D., & Lawrence, N. S. (2019). Food addiction: Implications for the diagnosis and treatment of overeating. Nutrients, 11(9), 2086. https://doi.org/10.3390/nu11092086

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