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Entre l'obésité et le cannabis: des enjeux sous la loupe


L'obésité est une maladie mondiale et est considérée comme un problème majeur de santé publique, avec des taux croissants de personnes en surpoids qui risquent de développer une obésité (1). L’obésité est une maladie multifactorielle qui comporte certains facteurs dits non-modifiables et d’autres modifiables. Par exemple, le statut génétique des individus est un facteur non-modifiable tandis que le mode de vie adopté peut avoir un impact préventif dans le développement de l’obésité. En effet, favoriser une augmentation de l'activité physique et une diminution du mode de vie sédentaire, et changer les habitudes alimentaires de sorte à intégrer davantage de fruits et légumes (plutôt que la malbouffe) entre autres, contribuent à prévenir l'obésité. Actuellement, plusieurs recherches tentent de trouver de nouveaux traitements efficaces contre l'obésité. En fait, si je vous disais que plusieurs de ces recherches ont un lien avec la façon dont le corps réagit à la marijuana, me croiriez-vous ?




Au delà des effets psychotropes

Dans les années 1950 et 1960, de nombreuses recherches ont été conduites pour comprendre comment les différentes préparations de cannabis sativa produisent des effets psychotropes chez les personnes qui consomment de la marijuana (2). Ces recherches ont mené à des résultats étonnants, car il a été découvert que les mêmes récepteurs qui reçoivent les composés du cannabis sont également responsables d'autres fonctions biologiques naturelles liées au métabolisme et à la régulation de l'énergie.




Figure 1. Les récepteurs cannabinoïdes sont activés par la liaison entre les composés de la marijuana, tels que le THC, et les endocannabinoïdes.



Presque comme une clé dans une serrure, les composés de la marijuana, le tétrahydrocannabinol (THC), responsable de ses effets euphorisants, se lient aux récepteurs cannabinoïdes de type 1 (CB1) et de type 2 (CB2), qui se trouvent naturellement dans diverses parties de notre corps, comme le cerveau et l'intestin (3,4). Cependant, notre corps produit naturellement des composés qui se lient aux mêmes récepteurs cannabinoïdes afin de remplir des fonctions biologiques liées à la satiété et à l'équilibre énergétique. Par conséquent, les mêmes récepteurs activés par le THC présent dans la marijuana sont également activés par ces composés naturellement produits par notre corps et associés au comportement alimentaire. Cet ensemble de récepteurs, de médiateurs et d'enzymes est appelé système endocannabinoïde.


Nous savons aujourd'hui qu’une forte activation de ces récepteurs est connue pour stimuler l'habitude de manger et le plaisir de le faire (5), en plus de favoriser l'accumulation de graisses dans notre corps (6). De plus, les personnes présentant une obésité ont un système endocannabinoïde hyperactivé en comparaison avec les personnes qui ne sont pas obèses (7). Ainsi, on pourrait s’attendre à ce que le blocage du système endocannabinoïde conduise à une réduction de l'apport énergétique et donc à une perte de poids.



Par conséquent, les mêmes récepteurs activés par le THC présent dans la marijuana sont également activés par ces composés naturellement produits par notre corps et associés au comportement alimentaire.


Marijuana et le poids corporel? Avec la légalisation de l'usage récréatif de la marijuana au Canada, son usage devient plus courant chez les jeunes, et de plus en plus d'adultes et de personnes âgées en prennent l'habitude. La plupart des adultes qui consomment de la marijuana le font à des fins récréatives, mais une petite proportion le font pour des raisons médicales. Bien que la marijuana soit populaire pour ses propriétés psychoactives, causées par le THC, il existe des composés de la marijuana sans propriétés psychoactives potentiellement utiles, qui influencent le poids et le métabolisme (8).


Une étude menée auprès de volontaires révèle que la consommation de petites doses de marijuana (une cigarette par jour, par exemple) n’a eu aucun effet sur la prise alimentaire (8). Cependant, la consommation de doses plus élevées (par exemple deux ou trois cigarettes) a augmenté l’apport énergétique. Plus spécifiquement, l’augmentation de l’apport énergétique s’expliquait par une augmentation de la prise alimentaire au moment des collations (entre les repas) plutôt que par une augmentation lors des repas.



En conclusion

La marijuana est une substance controversée, mais d'un point de vue clinique, elle présente un bénéfice médical potentiel associé à la prise de poids. Cependant, bien qu'une prise de poids puisse se produire, elle ne semble pas être supérieure aux traitements actuellement disponibles associés à une prise de poids, tels que le megestrol (9).


En ce qui concerne les effets de la marijuana sur le poids corporel dans la population générale, ceux-ci semblent être associés à un indice de masse corporelle inférieur (10). Cette observation pourrait s'expliquer par le fait que les aliments et les drogues peuvent entrer en compétition pour les mêmes sites de récompense dans le cerveau (11). Une autre hypothèse évoquée est la stimulation continue des récepteurs CB1 par le THC présent dans la marijuana pouvant provoquer la désensibilisation de ces récepteurs, voire même leur inactivation.


Globalement, la marijuana semble parfois associée à une prise alimentaire augmentée, parfois non, ce qui rend la relation entre la marijuana et le poids corporel complexe à expliquer avec les évidences scientifiques actuelles. Seules des recherches plus approfondies permettront d’éclaircir la réponse aux effets apparemment multiples de la marijuana.



Rédigé par :

Fredy Alexander Guevara Agudelo 1,2,3*, Frédéric Raymond 1,2,3, et Vincenzo Di Marzo 1,2,3.


1. Centre Nutrition, santé et société (NUTRISS), Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF), Université Laval, Québec, Canada.

2. Chaire d'excellence en recherche du Canada sur l'axe microbiome - endocannabinoïdome dans la santé métabolique (CERC-MEND).

3. Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation, Université Laval, Québec, Canada.





Références :

1. Aoun A, Darwish F, Hamod N. The Influence of the Gut Microbiome on Obesity in Adults and the Role of Probiotics, Prebiotics, and Synbiotics for Weight Loss. Prev Nutr Food Sci. 2020 Jun 6;25(2):113.

2. Mechoulam R, Shvo Y. Hashish—I : The structure of Cannabidiol. Tetrahedron. 1963 Jan 1;19:2073–8.

3. Dipatrizio N v. Endocannabinoids in the Gut. Cannabis Cannabinoid Res. 2016;1:67–77.

4. Pertwee RG. Cannabinoids and the gastrointestinal tract. Gut. 2001;48:859–67.

5. Jager G, Witkamp RF. The endocannabinoid system and appetite: relevance for food reward. Nutr Res Rev. 2014;27:172–85.

6. Blüher M, Engeli S, Klöting N, Berndt J, Fasshauer M, Bátkai S, et al. Dysregulation of the peripheral and adipose tissue endocannabinoid system in human abdominal obesity. Diabetes. 2006;55:3053–60.

7. Schulz P, Hryhorowicz S, Rychter AM, Zawada A, Słomski R, Dobrowolska A, et al. What Role Does the Endocannabinoid System Play in the Pathogenesis of Obesity? Nutrients. 2021 Feb 1;13(2):1–24.

8. Foltin RW, Brady J v., Fischman MW. Behavioral analysis of marijuana effects on food intake in humans. Pharmacol Biochem Behav. 1986;25:577–82.

9. Jatoi A, Windschitl HE, Loprinzi CL, Sloan JA, Dakhil SR, Mailliard JA, et al. Dronabinol versus megestrol acetate versus combination therapy for cancer-associated anorexia: A North Central Cancer Treatment Group study. J Clin Oncol. 2002 Jan 15;20(2):567–73.

10. Rodondi N, Pletcher MJ, Liu K, Hulley SB, Sidney S. Marijuana use, diet, body mass index, and cardiovascular risk factors (from the CARDIA study). Am J Cardiol . 2006;98:478–84.

11. Warren M, Frost-Pineda K, Gold M. Body mass index and marijuana use. J Addict Dis. 2005;24:95–100.

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