Pour certaines femmes, la grossesse est perçue comme une épreuve difficile et une mise en danger pour la santé. Cette manière de voir les choses peut occasionner du stress et certainement influencer les choix alimentaires de ces femmes… Ce billet vise d’une part à présenter certaines des recommandations actuelles destinées aux femmes enceintes, et d’autre part, certaines craintes partagées par celles-ci.
Recommandations alimentaires chez les femmes enceintes
La grossesse est associée à un nombre important de changements physiologiques et psychologiques. Dans sa version revampée de 2019, le Guide alimentaire canadien recommande aux futures mamans de manger « un peu plus » qu’à l’habitude. Mais qu’est-ce que cela veut dire exactement? Bonne question.
À cette recommandation s’en ajoutent plusieurs autres! En effet, il faut limiter la consommation de caféine et s’abstenir de boire de l’alcool. Il faut éviter de consommer les viandes et les poissons crus, les produits laitiers et les jus non pasteurisés, certaines charcuteries, les œufs mi-cuits et même certains types de tisanes. Un tsunami d’information! Et beaucoup de questions pour les professionnels de la santé qui suivent les futures mamans.
L’adoption de saines habitudes de vie et la prise de poids pendant la grossesse
Ce n’est pas tout! Pour assurer une grossesse en santé, la femme enceinte devrait pratiquer au moins 150 minutes d’activité par semaine et dormir 7 à 9 heures par jour. Beau défi quand la grossesse amène son lot de problèmes et d’inconforts. Enfin, une recommandation non négligeable est celle de la prise de poids. En effet, la future mère doit gagner du poids de manière adéquate pour favoriser une grossesse en santé. Mais combien doit-elle en gagner? La plupart ne le savent pas (1). En fait, ont-elles vraiment besoin de le savoir?
Devant toutes ces recommandations et avec le désir de bien faire, les femmes enceintes peuvent ressentir une certaine pression. Elles sont responsables de la santé de leur enfant, n’est-ce pas? Après tout, c’est ce que tout le monde leur dit, que ce soit la belle-mère bien intentionnée ou les professionnels de la santé qui la suivent. Cette pression peut par exemple conduire à une préoccupation à l’égard du poids, engendrant des comportements ou certaines conduites alimentaires plus restrictives (p.ex. restriction calorique). De manière intéressante, plusieurs mères s’expriment sur le sujet sur les réseaux sociaux. Voici le témoignage d’une future mère ayant eu une relation difficile avec son poids : « J’avais peur de prendre trop de poids, peur du regard du docteur, peur d’être déjà mauvaise mère par mes kilos en trop et peur de devoir changer mon alimentation » (2).
Devant toutes ces recommandations et avec le désir de bien faire, les femmes enceintes peuvent ressentir une certaine pression. […] Cette pression peut par exemple conduire à une préoccupation à l’égard du poids, engendrant des comportements ou certaines conduites alimentaires plus restrictives (p.ex. restriction calorique).
Une préoccupation à l’égard du poids pouvant influencer les comportements alimentaires
Cette préoccupation à l’égard du poids au cours de la grossesse est d’ailleurs rapportée dans plusieurs études et pourrait engendrer des changements sur le plan des comportements alimentaires de certaines femmes enceintes. Une étude de Dipietro et coll. (incluant 130 femmes enceintes) a mis en évidence que 21% d’entre elles adoptent des comportements restrictifs durant la grossesse, comme par exemple, jeûner avant un rendez-vous médical ou tenter de contrôler son poids au début de la grossesse pour camoufler celle-ci (3).
Des citations tirées d’entrevues individuelles et de groupes de discussion soulignent d’ailleurs l’appréhension de la prise de poids que peuvent vivre les femmes enceintes (4). Une future maman l’exprime ainsi : « J'ai toujours fait attention à c’que j’mange globalement. Eh mais là comme je fais moins d’activité physique peut-être qu’inconsciemment euh j’me sens mal de quand même manger des choses euh… sucrées, trop sucrées ou quoi [...] j’ai peur justement de, de prendre du poids ». Pour plusieurs, de la culpabilité peut être ressentie : « Ah j’ai pris tant de livres. ((Inquiète)) Ah oh oui j’ai tu mangé trop, j’ai tu… » (1).
Soutenir sans culpabiliser En conclusion, il y a beaucoup de chance que les futures mères se sentent coupables de ne pas agir de manière exemplaire pour la santé de leur bébé. On peut également se questionner sur le fait que le suivi de la prise de poids est peut-être trop important dans l’accompagnement médical, où l’on fait monter les femmes sur le pèse-personne à chaque rendez-vous. Cela pourrait créer un climat favorable au développement de préoccupations à l’égard du poids et de l’alimentation chez les femmes, particulièrement les plus vulnérables.
Au bout du compte, il existe un réel besoin de soutenir les femmes enceintes dans une approche non culpabilisante et uniforme afin de favoriser l’adoption de comportements alimentaires sains au cours de cette période cruciale, et même pour plus longtemps!
Rédigé par Anne-Sophie Morisset et Andréanne Michaud, École de nutrition, Centre NUTRISS. Avec la collaboration de Marianne Gagnon, étudiante à la maîtrise en nutrition, École de nutrition, Université Laval.
Références:
1. Gagnon M., Plante AS., Turcotte M., Bégin C., Michaud A, Véronique P., Morisset AS. Determinants of weight gain and body changes during pregnancy: From the eyes of pregnant people, en préparation
3. DiPietro JA, Millet S, Costigan KA, Gurewitsch E, Caulfield LE. Psychosocial influences on weight gain attitudes and behaviors during pregnancy. Journal of the American Dietetic Association. 2003;103(10):1314-1319.
4. Plante AS, Lemieux S, Labrecque M, Morisset AS. Relationship Between Psychosocial Factors, Dietary Intake and Gestational Weight Gain: A Narrative Review. Journal of obstetrics and gynaecology Canada : JOGC = Journal d'obstétrique et gynécologie du Canada : JOGC. 2018.
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